La traversée des Alpes

Traverser les Alpes à ski était une idée que j’avais (David) depuis pas mal d’années et que j’ai finalement pu réaliser en 2021 et 2022. Initialement je l’avais prévue d’une traite, en 2021, de Vienne jusqu’à Nice mais la situation de Covid m’a amené à faire deux étapes. De Nice jusqu’à Scuol en 2021, sans pouvoir continuer en Autriche car le tourisme n’y était pas possible. Puis en 2022, de Vienne jusqu’à Scuol.

Ces deux étapes sont détaillées dans les chapitres qui suivent avec des explications sur la planification (itinéraire et matériel), la prise de décisions et les modifications d’itinéraires et de stratégies en étant seul. De plus, je propose aussi “Une traversée des Alpes pour les nuls” car c’est un projet réalisable par tronçons, avec des étapes tout à fait raisonnables. En outre, la continuité de l’itinéraire n’est pas nécessaire, se contenter des plus beaux tronçons permet déjà de traverser les Alpes et de se faire une belle idée des multiples massifs qui la composent.

Planification

La planification a commencé début 2020, en organisant un congé non payé de trois mois, de février à avril 2021. J’ai commencé par lire le livre de Frédéric Chevaillot et Jean-René Minelli qui a réalisé la traversée des Alpes en 2004. De plus deux amis qui avaient fait ou prévu de faire la traversée ont pu me renseigner, notamment en me prêtant les cartes autrichiennes avec leur itinéraire mais aussi en me donnant quelques conseils stratégiques.

Itinéraire, carte, GPS et logements

En combinant les informations du livre de Frédéric Chevaillot et Jean-René Minelli et les itinéraires marqués sur les cartes que l’on m’a prêtées, j’ai pu construire mes propres étapes. Au total, environ 90 jours, pauses comprises. J’ai tracé tous les itinéraires sur Whiterisk, pour avoir les distances et les dénivelés mais aussi pour les mettre sur mon GPS.

En 2021 (Nice-Scuol), un peu parano, je suis parti avec ma montre GPS Suunto (qui m’a lâché), mon téléphone (qui n’est pas super fiable), un GPS Garmin et les cartes papiers. J’avais prévu des paquets de cartes par dix jours que l’on pouvait m’envoyer, au fur et à mesure que j’avançais dans des hôtels, afin que je n’aie pas à tout porter. En parallèle, je renvoyais les cartes utilisées à la maison. En 2022 (Vienne-Scuol), je me suis amélioré. J’avais une nouvelle montre GPS qui ne m’a pas lâché, avec les itinéraires enregistrés. Mon téléphone avec l’application Whiterisk, où je chargeais les cartes au fur et à mesure (pour qu’elles soient disponibles sans réseau). Un deuxième vieux téléphone, sans carte SIM, sur lequel je chargeais aussi les cartes à l’avance par un partage de connexion et qui pouvait me servir de secours au cas où le premier téléphone se cassait. Une batterie externe au cas où je tombais en panne. J’étais ainsi léger, sans cartes à porter, et avec un système de secours au cas où.

Au début de la planification je ne savais pas trop si j’allais être rejoint par des amis ou pas, j’avais donc prévu un itinéraire “classique” qui passe par les glaciers et les refuges. Au final, j’ai fait presque toute la traversée seul et j’ai donc au fur et à mesure adapté mon itinéraire pour plutôt dormir dans des hôtels en vallée (plus sûr que seul dans des refuges) et éviter les glaciers afin de ne pas finir seul au fond d’une crevasse. Pour chaque soir j’avais prévu un logement “idéal” avec les coordonnées sur mon téléphone et je le réservais la veille, car il y avait trop d’incertitude sur les dates de réalisation des étapes. Dans les faits, je dormais presque toujours dans un autre lieu, que je trouvais grâce à la magie d’internet et de Google, même si cela m’a valu aussi quelques surprises :-).

Le matériel

Beaucoup trop. C’est une bonne description de ce que j’avais prévu au début.

Il y avait le matériel de base, que je gardais avec moi, et celui que je “consommais” comme les cartes, des repas lyophilisés, des bombonnes de gaz pour réchaud et les chaussettes et caleçons.

Le matériel de base est celui classique de ski de randonnées, DVA, pelle, sonde, peaux, veste, etc. Avec en plus le matériel de glacier et technique, baudriers, crampons, etc. J’avais prévu de prendre la corde uniquement sur les parties avec glacier. Pour cette occasion j’ai exprès acheté du matériel léger et compact.

Vient ensuite le matériel que je consommais que j’avais préparé par paquets d’environ dix jours que l’on pouvait m’envoyer au fur et à mesure. Il y avait les lyophilisés du soir, des petits déjeuners que je m’étais fait moi-même, des bombonnes de gaz, les cartes et des habits de rechange.

Au final j’avais un sac bien lourd au départ au moins 20 kg, mais je ne l’ai pas pesé, c’est juste une estimation par rapport à ce que j’ai d’habitude.

2021 – de Nice à Scuol

J’ai fait la traversée de Nice à Scuol du 28 janvier au 27 février, soit en un mois. Le départ n’était pas facile car il fallait changer de plan à cause du Covid et jouer avec les conditions de neige qui n’étaient pas faciles. Il y a aussi eu un peu de mauvais temps à gérer. La partie suisse était nettement plus facile, avec un bel anticyclone. Le plan de base était de continuer jusqu’à Vienne, mais l’Autriche était fermée par le Covid, j’ai donc attendu une année.

Changement de plan 1

Les changements de plan sont courants en montagne, surtout avec la météo, mais là c’est au Covid que j’ai dû m’adapter (comme tout le monde….). En effet, au moment où je voulais partir l’Autriche était fermée, j’ai donc choisi de commencer à Nice et de finir à Vienne, avec l’espoir de voir l’Autriche s’ouvrir le temps d’y arriver. La traversée se fait usuellement du Nord au Sud car les montagnes à l’Est de l’Autriche sont basses en altitude et potentiellement sans neige en avril.

Je me retrouve ainsi le 28 janvier à Nice, avec une petite crainte que la France soit aussi fermée à ce moment-là car Macron avait son discours le lendemain de mon départ. Cela n’a heureusement pas été le cas :-)!!!

La difficulté principale de ce changement de plan a été de revoir au fur et à mesure certaines étapes qui étaient surtout prévues dans le sens Nord-Sud. Par exemple avec de très longues descentes (en dénivelé et en distance) que je ne pouvais pas réaliser en allant du Sud au Nord.

De Saint-Dalmas de Tende à Montgenèvre

Plus précisément, je suis parti de Saint-Dalmas de Tende, 30 km au Nord de Menton, avec une première grosse journée pour aller au refuge des Merveilles. C’était peu de temps après le passage de la tempête Alex (octobre 2020) qui a complètement ravagé la région. Les dégâts étaient impressionnant à voir.

J’ai ensuite été au Boréon, où j’ai failli dormir dehors car le village était “abandonné” à cause de la tempête. Heureusement, une maison était éclairée. Nicolas, le propriétaire du gîte du Boréon était en train de partir mais m’a laissé “les clés” de chez lui pour que j’y dorme.

Puis les étapes se sont succédées avec Isola 2000, Pontbernardo (IT), le val Maira, Ceillac, Chateau Queyras et Montgenèvre où j’ai fait mon premier jour de pause.

Les principales aventures étaient de trouver des itinéraires alternatifs, par exemple pour contourner le Nord du Mercantour, où je n’osais pas m’aventurer seul. Donnant lieu à quelques histoires pour me loger, avec notamment un bel accueil au B&B Al Torch.

De Montgenèvre à Cervinia

Je commence par faire le col de l’Échelle à l’envers…. C’est à dire dans le sens contraire des migrants qui tentent de passer en France depuis l’Italie. Je n’en ai pas croisés, mais c’est un col “pratique” pour eux car il n’est pas trop long. Je continue ensuite en direction du Nord, avec au passage le Mont Thabor, le premier sommet de la traversée. En effet, je suis pour l’instant passé de col en col, sans détour. Je dors au refuge du Mont Thabor, où je croise deux autres skieurs qui font la traversée dans l’autre sens, en étant partis d’Évian. Une rencontre sympathique. Puis les jours se suivent, avec un peu de mauvais, et une ambiance magnifique pour traverser la Vanoise.

De Cervinia à Airolo

Je ne suis pas particulièrement attaché au Mont-Blanc ou au Cervin, mais en venant depuis Nice à ski, je dois dire que cela fait plaisir de voir ces montagnes qui pour moi représentent quand même un peu la maison. Elles me montraient que j’aivais parcouru quelques kilomètres. Je pars donc de Cervinia, sous ce fameux Cervin, avec un départ surprenant. En effet, les pistes, Covid oblige, étaient fermées au grand public mais ouvert pour les enfants qui s’entraînaient. Il fallait donc surveiller les accès, avec une série de policiers qui vérifiaient que personne ne passe et que j’ai dû contourner pour remonter les pistes en peaux :-)!

La suite était facile, avec Zermatt, puis Täsch, où mon amie me rejoignait pour continuer ensemble jusqu’à Airolo. En commençant avec la Täschhütte qui était fermée (Covid…) et qui nous a obligés à rallonger la journée en continuant jusqu’à Saas-Fee et Saas-Grund. Une journée à 2700m. Nous pouvons ensuite profiter de l’anticyclone pour traverser jusqu’à Airolo. Avec notamment une belle étape entre la Monte Leone Hütte et Crampiolo, dans des paysages sauvages et bien reculés où pas grand monde ne passe.

D’Airolo à Scuol

Ce fût une traversée express, en sept jours, avec un anticyclone qui se prolongeait. Avec tout de même un demi-tour à la capanna Adula car j’avais peur qu’il fasse trop chaud sur la descente côté Est de l’Adula. Je suis donc redescendu pour aller avec les transports publics jusqu’à Splügen. J’ai ensuite traversé jusqu’au val Ferrera, un endroit très calme et sauvage, peut être un des lieux qui m’a le plus marqué sur la traversée. Puis les étapes se sont succédées avec quelques jours à plus de 2000m et la fin de cette première partie à Sent, juste après Scuol. J’y suis arrivé avec une grosse hypoglycémie que j’ai stoppée en mangeant un énorme hamburger sur la place du village.

Changement de plan 2

Une fois à Sent, je ne savais pas vraiment ce que j’allais faire car l’Autriche était toujours fermée à cause du COVID. J’y ai passé quelques jours puis j’ai loué deux semaines un appartement à Zernez, en espérant qu’un jour ou l’autre cela allait se détendre. À ce moment-là, je n’avais plus d’appartement à Lausanne, je l’avais lâché avant de partir trois mois, en me disant que je trouverai autre chose à mon retour, j’étais donc assez libre. J’en ai profité pour visiter à ski l’Engadine et le Val Müstair, avec de temps en temps des amis qui me rejoignaient. Puis après deux semaines, l’Autriche était toujours fermée, et l’hiver était de toute façon trop avancé pour me permettre d’aller à ski jusqu’à Vienne. Aussi, j’ai décidé de faire la suite en 2022.

2022 – de Vienne à Scuol

En 2022, j’ai repris un congé non payé d’un mois, pour finir la traversée, en 21 jours (10.02 au 02.03). Cette fois je la fait dans le “bon” sens; je pars de Vienne pour aller vers le Sud. La logique est de commencer à l’Est car les montagnes sont basses et qu’il est mieux de les faire en début de saison, quand il y a de la neige. Cette année, j’ai planifié un itinéraire différent que celui emprunté par la majorité des randonneurs. Un peu plus au Sud des massifs principaux. Le but est de suivre des montagnes plus basses, sans glaciers, afin que je puisse faire la traversée en minimisant les risques. L’Autriche a pour moi été une très belle surprise. Tout d’abord parce que je n’y avais jamais été, même en habitant à côté. Comme quoi, il y a plein de choses à voir proche de chez soi. Puis, parce que l’accueil dans les hôtels était très chaleureux!

De Vienne à Malta

La traversée commence par une première “traversée”, avec dix heures de train pour rejoindre Vienne depuis Berne. C’est assez curieux de se dire que c’est si facile dans ce sens et que cela me prendra 30 jours dans l’autre. En réalité, je ne commence par à Vienne même, mais 60km plus au Sud, à Puchberg am Schneeberg (585m d’altitude). Il n’y a presque pas de neige, mais c’est quand même skiable à partir de 800m. De là je rejoins Reichenau, qui n’est pas sur mon itinéraire initial car l’hôtel prévu est fermé, je suis donc déjà un peu décalé. Avec en plus le manque de neige, je choisi de me “rattraper” en faisant un peu de stop pour aller directement à Niederalpl, où mon voyage commence réellement. Lors des jours qui suivent je découvre ces Alpes très particulières, une sorte de Jura d’altitude, avec beaucoup de forêt et des tours calcaires qui viennent ajouter une dimension verticale au paysage. Je prends beaucoup de plaisir à traverser ces lieux sauvages où j’ai l’impression de faire du ski nordique, avec tout de même régulièrement des journées de 2500m de dénivelé et une quarantaine de kilomètres. Une bonne mise en jambe. Un des points les plus marquants était probablement le Hochswab, à 2277m, très peu de neige, à cause du vent, et une lumière très blanche, je pouvais me croire sur la Lune.

De Malta à Matrei

Dès Malta, les paysages ont changé, cela ressemble plus aux Alpes suisses, des grandes montagnes raides. Malheureusement, la météo devient aussi plus changeante (il faisait grand beau jusque-là), et je dois aborder ces grandes montagnes avec des conditions plus difficiles. Je dois être stratégique, prévoir les étapes raides quand il fait beau et les étapes “faciles” avec le mauvais temps. Je commence donc par traverser sur Mallnitz, en partant tôt car une dégradation est prévue l’après-midi, mais elle est déjà là le matin et je passe le col souhaité avec beaucoup de vent et pas très rassuré, mais heureusement les conditions de neiges sont restées bonnes. Une fois arrivé à Mallnitz, il fait grand beau, je décide donc de faire l’étape suivante le jour même. Une étape que je devais faire avec le beau temps et la météo du lendemain était mauvaise. Ainsi j’arrive Duisburger hütte à six heures du soir, après douze heures de marche, 3750m de dénivelé et 50km de distance. Un peu fatigué. Le lendemain, il fait bel est bien mauvais et c’est au GPS que je traverse sur Heiligenblut. Une journée dans le brouillard, seul et à 3000m, pas super… Le jour suivant, toujours mauvais, j’essaie quand même de traverser sur Matrei, mais après deux heures dans des gorges je fais demi-tour, trop dangereux, je descends et je fais le tour en bus.

De Matrei à Scuol

À Matrei, je prends un jour de pause (j’en avais déjà fait quelques-uns avant) et je prends le bus pour aller Hinterbichl. Je traverse ensuite par plusieurs grandes étapes jusqu’au col du Brenner, en passant au Sud du Venedigergruppe, afin d’éviter ses gros glaciers. Je me fais à nouveau quelques jours de mauvais temps et cela commence à me fatiguer, mais heureusement, l’anticyclone arrive. Au col du Brenner, je prends à nouveau un jour de pause, pour moi, mais aussi pour laisser la neige se tasser et voir le danger d’avalanche diminuer. Ainsi, je repars en forme pour finir ma traversée, en passant par Sölden et le Kaunertal et finir à Nauders, à la frontière suisse, une vingtaine de kilomètre à l’Est de Scuol.

Cette fois la traversée des Alpes est finie !!! Et comme je n’en avais pas encore marre de skier et qu’il me restait dix jours de libres, mon amie m’a rejoint aux Grisons où nous avons continué à skier, d’abord vers la Bernina, puis à Avers.

La traversée des Alpes pour les nuls…

On est d’accord, traverser les Alpes d’une traite c’est un peu dur d’un point de vue de l’organisation, de la météo, et de la possibilité de prendre un long congé. Néanmoins, il est possible de fractionner la traversée sur plusieurs années et également de réaliser uniquement certaines parties, car tout n’est pas intéressant. Ainsi combinées, ces différentes parties permettent de se faire une belle idée de la taille et de la diversité des Alpes. Pour cela, voici les itinéraires que j’ai trouvé les plus beaux (totalement subjectif, on est d’accord). Ils peuvent se réaliser sur environ deux semaines, déplacement inclus. N’hésitez pas à me contacter si vous avez des questions sur l’itinéraire ou sur les transports publics pour y accéder. Du Nord au Sud, voici les parties que j’ai trouvé les plus belles:

  • De Puchberg am Schneeberg à Rottenmann. C’est du ski Nordique, dans les forêts autrichiennes avec des belles tours de calcaires qui viennent décorer le paysage.
  • De Mallnitz au Col du Brenner. Sur cette partie, j’ai été plus au Sud que l’itinéraire “classique” qui traverse les glaciers, mais j’ai tout de même vu tous ces beaux sommets des Grossglockner et du Venedirgergruppe qui sont magnifiques.
  • De Scuol à Splügen (ou Olivone). C’est la traversée des Grisons, avec son architecture et ses montagnes qui se prêtent parfaitement au ski, pas trop raides pour les avalanches, mais assez raides pour se faire plaisir à ski.
  • De Montgenèvre (ou de St Véran) à Nice. Parce que finir à ski au bord de la mer doit être incroyable (j’ai fait cette étape dans l’autre sens) et parce que le Mercantour est le plus beau massif que j’ai traversé!

Il y a évidemment d’autres belles parties, autour de Sölden, de Zermatt à Airolo ou entre la Suisse et Montgenèvre. Mais ces dernières sont un peu plus fragmentées, par de gros axes routiers ou par des stations de skis.